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Peter Brook, légende du théâtre contemporain, le géant qui a changé à jamais la face du théâtre, est mort à 97 ans

05.07.2022

Pratiquant un « théâtre- monde »  épuré, apôtre d’une scène multiculturelle et architecte de représentations intensément humaines, passant de Shakespeare aux fresques indiennes ou aux contes africains, Peter Brook a approché au plus près le mystère de l’art dramatique.

Le fantôme du maître aux yeux bleus d’acier hantera à jamais sa maison, Les Bouffes du Nord.

Avec lui s’éteint une des aventures théâtrales les plus importantes de la deuxième partie du XXe siècle, qui a fait du théâtre un fabuleux instrument d’exploration de l’humain (« l’être humain est le seul ésotérisme qui mérite d’être déchiffré »)  au fil de spectacles légendaires : Le Songe d’une nuit d’été, La Tempête, La Tragédie de Carmen,  le Mahâbhârata (qui restera l’un des plus grands succès. 9 heures dans la carrière Boulbon au Festival d’Avignon), La Cerisaie, L’Homme qui…

C’est à la fin des années 60, après des dizaines de succès, dont de nombreuses pièces de Shakespeare, et après avoir dirigé les plus grands acteurs – de Laurence Olivier à Orson Welles -, que Peter Brook décide de s’installer à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord où il entame sa période expérimentale marquée par la théorie de « l’espace vide », privilégiant des formes épurées au lieu des décors traditionnels.

L’aventure des Bouffes du Nord 

Peter Brook  découvre à Paris, dans le quartier populaire et cosmopolite de La Chapelle, le Théâtre des Bouffes du Nord, qui tombait en ruine, porteur d’une histoire, d’une mémoire inscrites sur ses murs comme sur une peau, et « doté de proportions extraordinaires, uniques en Europe, dont nous avons découvert plus tard qu’elles étaient les mêmes que celles du Théâtre de la Rose de Shakespeare ».

“Les Bouffes sont vraiment l’espace caméléon dont je rêvais, à la fois intérieur et extérieur, propre à stimuler et libérer l’imagination du spectateur (…) Car le théâtre n’est rien d’autre qu’une expérience humaine plus concentrée que celles que nous avons coutume de vivre dans la vraie vie. »

Le créateur de l’espace vide

Peter Brook se lance dans ce qui deviendra sa marque de fabrique :   l’art de créer le plein d’émotions dans un « espace vide » ( L’espace vide, ed. du Seuil, 1977).  Il décide de renoncer à tout décor afin de forcer le spectateur à imaginer l’environnement   avec l’idée de revenir à l’essentiel : une scène dépouillée pour se concentrer sur le jeu des comédiens.

« Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé ».

Ces célèbres premières lignes deviendront un « manifeste » pour un théâtre alternatif et expérimental.

Le cinéma

Au cinéma, il réalise une douzaine de films. 

Au début de sa carrière il dirige Jeanne Moreau et Jean-Paul Belmondo dans l’adaptation de Moderato Cantabile de Marguerite Duras en 1959 avec déjà ce goût du vide et du silence.

Puis il adapte pour le cinéma certaines de ses mises en scène : « La tragédie de Carmen » en 1982. Ou encore sa pièce la plus connue  « Le Mahabharata », épopée de neuf heures de la mythologie hindoue (1985), adaptée au cinéma en 1989, avec son complice Jean-Claude Carrière.

Comme toutes les légendes, il règnera encore longtemps sur le royaume du texte », a écrit Jack Lang, Président de l’Institut du Monde Arabe et ancien ministre de la Culture.

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